LES MODES D’APPROCHE D’UNE ŒUVRE MUSICALE Par le Dr Ambroise Kua-Nzambi Toko, Compositeur & Musicologue

LES MODES D’APPROCHE D’UNE ŒUVRE MUSICALE
Du Dr Ambroise Kua-Nzambi Toko, Compositeur & Musicologue (1)

Avant l’art moderne, l’œuvre semble l’expression d’une expérience antérieure...,
L’œuvre dit ce qui a été conçu ou vu si bien que de l’expérience vécue à l’œuvre, il n’y a que le passage à une technique d’exécution.
Pour l’art moderne, l’œuvre n’est pas expression mais création ; elle donne à voir ce qui n’a pas été vu avant elle, elle forme au lieu de refléter.
Les compositeurs ne sont pas pour autant indifférents à la réception de leurs musiques par le public. Ils ont tendance à penser que la qualité musicale de leur œuvre n’est pas tributaire d’un construit social du goût ou de l’esthétique du public, mais de la cohérence interne de leur composition, et de l’élégance avec laquelle ils ont posé et résolu leurs équations de départ.
[DERRIDA JACQUES, L’Écriture de la différence. « Points » (100), Seuil, Paris 1967, p. 15, note. Jacques Derrida cite lui-même Gaëtan Picon depuis un ouvrage de Jean Rousset, La littérature de l’âge baroque en France.]

Il émane de ces pensées, toute l’attention que l’on doit au paradigme d’une œuvre musicale et son approche.
Ainsi, de sa création à son interprétation et au-delà, à sa réception, une même œuvre peut être analysée, comprise, approchée, rendue et vécue différemment.
Cela parait quelque peu paradoxal mais c’est une singularité. Le fait que la conception et l’approche de l’œuvre par le compositeur, l’interprète et l’auditeur présentent ce tableau.

La musique peut être abordée de plusieurs façons :
 selon les idées musicales et la liberté du compositeur,
 selon les objectifs que se fixe librement le musicien-interprète,
 selon un mode d’approche lié à un type de conception de l’œuvre,
 selon un mode d’approche lié à l’esprit d’approche de l’interprète.

C’est effectivement le cas à titre illustratif, dans ce que l’on peut considérer comme le « lyrisme africain » dont le paradigme entretient deux courants dont :

« The African Spirit of Music », la façon dont l’africain aborde la musique et « The Spirit of African Music », la façon dont la musique africaine doit être abordée.

Ainsi :
1. Dans sa conception *sensualiste* ou son approche sensuelle, l’œuvre régale, touche et flatte les sens pour émouvoir les cœurs. L’interprète s’investit dans une démarche communicative sensuelle, de type « cœur à cœur » ou « type poitrine à poitrine ».
2. Dans sa conception *substantialiste* ou son approche substantielle, le contenu substantiel de l’œuvre est et reste l’essentiel qui doit l’emporter sur tout le reste considéré comme accessoire ou substance de second plan destinée à la « poubelle musicale ».
3. Dans sa conception *essentialiste* ou son approche par l’essence, la démarche consiste à attacher plus de valeur à l’essence qu’à l’existence de l’œuvre. Cas des musiques rituelles et circonstancielles.
4. Dans sa conception ou son approche *fonctionnelle*, L’œuvre est dotée d’une certaine fonctionnalité et donc son caractère fonctionnel est mis à contribution plus que tout.
5. Dans sa conception ou son approche *thérapeutique*, l’œuvre est dotée d’un pouvoir de 
transformation, de guérison et de restauration de l’être. L’approche thérapeutique s’illustre dans les exorcismes, les séances de prière de délivrance. C’est une approche fonctionnelle particulière.
6. Dans sa conception ou son approche *contextuelle*, le contexte inspire l’œuvre et vice-versa, l’atmosphère du moment de l’interprétation compte (now is now), Il suscite ainsi diverses réactions pouvant même affecter la dramaturgie qui accompagne les différents épisodes de l’œuvre.
7. Dans sa conception ou son approche *religieuse (ou sacrée)*, l’œuvre est sacrée et reste un instrument absolument au service du sacré et des rites qui l’accompagnent.
8. Dans sa conception ou son approche *ascensionnelle*, l’œuvre est considérée comme moyen de communication avec la Divinité. S’élever vers Dieu reste l’objectif poursuivi. Chanter c’est finalement accéder à une dimension plus élevée de la prière.
9. Dans sa conception on son approche *rythmique ou dynamique*, le compositeur, l’interprète et même l’auditeur s’investissent dans les mouvements et les gestes s’accrochant à la dynamique rythmique qu’inspire l’œuvre. Motricité (kinésique) et motilité (proxémique) sont spontanément sollicitées que le cerveau cognitif.
10. Dans sa conception ou son approche *esthétique*, l’œuvre est sérieusement travaillée et façonnée tant par le concepteur que par l’interprète, de façon à lui rendre toute sa beauté.

(1) Institut Facultaire de Musique

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