LA FANFARE DES PEUPLES DE LA CÔTIÈRE DE CÔTE D’IVOIRE : D’HIER À AUJOURD’HUI PAR PAUL DAGRI, MUSICOLOGUE

LA FANFARE DES PEUPLES DE LA CÔTIÈRE DE CÔTE D’IVOIRE :
D’HIER À AUJOURD’HUI PAR PAUL DAGRI (1), MUSICOLOGUE

La fanfare et l’harmonie sont des ensembles d’instruments de musique européens que les Ivoiriens de la basse Côte d’Ivoire, précisément les lagunaires se sont appropriées. Ils se les sont tellement appropriés que, de façon générale, bon nombre d’évènements dignes de ce nom, ne se déroulent sans leur présence et / ou celle de leur musique.
Par quels processus, à travers quels lieux et à travers quels âges, l’adoption et l’implantation de ces instruments se sont produites ? Quels étaient leurs répertoires ? Quelles fonctions ces Lagunaires avaient assigné à ce genre musical ? Que représentent, aujourd’hui ce genre musical et les moyens avec lesquels il est produit ? Quels sont les objectifs de l’Organisation Non Gouvernementale en décidant d’implémenter un concours de fanfare et d’harmonie ?

Examinons ces différentes préoccupations ci-dessus énumérées à travers les points suivants :

  • fanfare et harmonie : approche conceptuelle ;
  • problématique de l’adoption et de l’implantation de la fanfare chez les peuples lagunaires de Côte d’Ivoire ;
  • symbolisme des fanfares et harmonies chez les lagunaires ;
  • les répertoires des fanfares et harmonies ; d’hier à aujourd’hui ;
  • objectifs de l’Organisation Non-Gouvernementale (ONG) Cordon International en implémentant un concours de fanfare et d’harmonie.

I. FANFARE ET HARMONIE : APPROCHE CONCEPTUELLE

1. La fanfare 
La fanfare est un ensemble de plusieurs musiciens, jouant principalement des cuivres (d’où l’appellation par les Anglo-Saxon de brass band, qui indique justement le matériau originel avec lequel les instruments ont été fabriqués : le cuivre). Ces aérophones : trompette, cornet à pistons, bugle, cors de chasse, fifres, trombone, tuba sont accompagnés par des membranophones (notamment une caisse claire et / ou un tambourin, une grosse caisse) et un idiophone (une paire de cymbales).

2. L’harmonie
Un orchestre d’harmonie ou une harmonie est un ensemble musical regroupant les instruments qui constituent une fanfare auxquels s’ajoutent des bois (appelés wood instruments en anglais) notamment le saxophone, la clarinette, la flûte traversière et équipée, généralement, d’un tambour major. C’est aussi l’ensemble des musiciens qui, en tant que groupe, pratiquent ces instruments.

3. Tonalité des instruments à vent de la fanfare et de l’harmonie

3.1. Fanfare :

  • Instrument en si bémol ou Sib : le cor de chasse, le cornet à pistons, le bugle, le trombone à coulisse, le trombone à pistons, la trompette ;
  • instruments en mi bémol ou Mib : la contrebasse et le tuba alto.

3.2. Harmonie

  • Instrument en ut (ou do) : la flûte traversière
  • Instrument en si bémol ou Sib : la clarinette soprano, la clarinette ténor, la clarinette basse, le saxophone soprano, le saxophone ténor, le saxophone baryton, le saxophone basse ;
  • instruments en mi bémol ou Mib : la clarinette alto et le saxophone alto.
    Aussi bien les instruments de la fanfare que ceux de l’harmonie exécutent leurs répertoires assis ou debout, tantôt sur place, tantôt en marchant.

4. Répertoires
Les répertoires ont évolué dans le temps. Aussi note-t-on :

4.1. au niveau des musiques militaires
Un répertoire dominé au début de la colonisation par ‘’la Marseillaise’’ et d’autres musiques patriotiques françaises notamment, ‘’la marche des légions’’. Depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire, des musiques composées par des Ivoiriens se sont substituées aux musiques d’alors. Au nombre des musiques auxquelles les Ivoiriens sont sensibles se trouvent l’’’Abidjanaise’’ composée par l’Abbé Michel Pango, et ‘’le Travail de Mille générations’’.

4.2. au niveau des musiques religieuses
Le célébrissime ‘’Je suis chrétien’’ catholique a reculé devant un répertoire nouveau comprenant aussi bien des musiques catholiques notamment ‘’Okourê sron Wo’’ et celles des méthodistes unis ‘’Jessetémanie’’, que des musiques évangéliques dont ‘’Je lève les yeux vers les montagnes’’.

4.3. au niveau des musiques profanes
Le prolifique Meiway, créateur du Zoblazo, parrain artistique du présent concours de fanfares et l’abondante création des musiciens ivoiriens dans lesquelles les fanfares puisent leur répertoire. Au nombre de celle-ci se trouve ‘’C’est ancien de quelqu’un qui devient nouveau de quelqu’un’’.

4.4. structure des pièces
Toute pièce exécutée par les fanfares et les harmonies profanes et religieuses est structurée en deux mouvements : la marche et le ‘’paté’’.

  • La marche est le premier mouvement de toute pièce exécutée par la fanfare et l’harmonie. Il est joué sur un tempo relativement lent. Le rythme peut être aussi bien binaire que ternaire. La marche généralement utilisée pour la procession, se danse aussi.
  • Le paté qui est le deuxième mouvement est relativement plus rapide que la marche. Comme dans celle-ci le rythme peut être soit binaire soit ternaire. Mais le paté est essentiellement dansé. C’est dans cette partie de la pièce que les instrumentistes (surtout le joueur de grosse caisse) d’une part et les danseurs d’autre part exhibent leur talent, leur sens de l’improvisation.

4.5. forme des pièces
Les musiques des fanfares et harmonies laïques s’exécutent sous la forme ‘’appel et réponse’’. Entendons par cette expression, l’exécution à tour de rôle d’une même mélodie par des instrumentistes et des chanteurs. Les chanteurs sont généralement accompagnés par la section rythmique de l’ensemble (qui comprend caisse claire, la grosse caisse puis les cymbales) et des éléments de la section mélodiques (comprenant généralement un ou deux instrument à vent).

5. plurivocalité des instruments
La plurivocalité des musiques des ensembles de fanfare et d’harmonie comme des autres orchestres, exige que le chef d’orchestre ait une très bonne connaissance en instrumentation, autrement dit qu’il maîtrise, tout au moins les tonalités et la tessiture des instruments de musique. Cela peut s’acquérir en entreprenant des études spécifiques formelles ou s’acquérir par la pratique sur le tas. De façon générale, la plupart des chefs d’orchestre, qui n’ont pas été formés à l’Institut National des Arts (INA) devenu depuis 1994, Institut National Supérieur des Arts et de l’Action Culturelle (INSAAC), ou dans des écoles militaires ou paramilitaires(2) ont acquis cette expérience musicale par la pratique, par la routine ou par la pratique sur le tas.

Comment ces instruments de musique, d’origine européenne, sont-ils arrivés en Afrique ? Pour mieux comprendre comment le passé a marqué le présent, nous examinerons les moyens (le développement du transport, l’armée européenne, le système colonial, l’école, les technologies etc.) et les situations (Guerres mondiales, le retour d’anciens esclaves en Afrique) qui ont favorisé les mutations sociales, lesquelles, elles-mêmes, ont permis l’adoption de la fanfare comme élément de culture des peuples lagunaires(3) de Côte d’Ivoire.

II. L’ADOPTION ET L’IMPLANTATION DE LA FANFARE ET DE L’HARMONIE EN AFRIQUE NOIRE ;

1. Développement des moyens de transport
Le développement des moyens de transport a permis aux Européens de se déporter en Afrique et de donner libre cours à leur rivalité.
C’est dire comment fut rude cette rivalité. Aussi pour résister à ces rivalités ou à l’assaut de leur ennemies, il fallait à chacun de ces pays une présence de leurs forces armées pour protéger les acquis et leurs représentants.

2. Les armées en Afrique noire
La présence des armées européennes4 en Afrique pendant, l’époque précoloniale puis coloniale, a permis à des africains5 dont des Ghanéens d’être incorporés dans ces institutions et de s’exposer aux traditions musicales militaires, l’une des composantes majeures des armées. Lesdites armées substituées par les armées nationales aux indépendances y ont gardé les mêmes structures. C’est de là que viendront les premiers Noirs dont les contributions ont été déterminantes au profit de la musique contemporaine africaine.

1. L’Administration coloniale
Il faut entendre par ‘’Administration coloniale’’ un mode de gestion de la société visant à annuler la distance qui sépare une multitude d’individus dispersés sur un vaste territoire, les administrateurs, et les administrés, comme s’ils étaient face à face. L’infinité des actions menées et des réactions suscitées chaque jour permettent aux individus de communiquer à distance, non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps.

2. L’école
L’école est un autre espace où les agents de l’administration coloniale avaient pour mission d’injecter dans la conscience du Noir le complexe d’infériorité matérialisé par ‘’le symbole’’6 : matérialisation de cette idéologie des Colons qui voulait faire du Nègre, ‘’un Blanc à la peau noire’’7.

5. L’Église
Pour Nketia8 lorsque l’église occidentale9 prêchait contre la pratique des cultures africaines, elle faisait, parallèlement à cela, la promotion des valeurs européennes ainsi que leurs usages. Au demeurant, elle adopta une attitude hostile à la musique africaine, notamment contre le tambour à membrane au motif que les chrétiens évangéliques associaient à ce dernier des pratiques païennes.

3. Guerres mondiales
Les deux Guerres mondiales (1914-1918 et 1945-1947) ont permis à des individus d’horizons divers de se retrouver, de se côtoyer dans un espace et dans le temps pendant un certain nombre d’années. Des fanfares ont participé aux différentes guerres dans lesquelles les Etats-Unis étaient engagés. À l’occasion des Noirs d’origine africaine les ont côtoyés, ont partagé des expériences musicales avec ceux qui, par la suite, ont donné naissance aux premières fanfares ou harmonies du littoral ivoirien.

4. Le retour d’anciens esclaves en Afrique
Le Liberia constitue avec la Sierra Leone deux pays qui ont effectivement et formellement accueilli des anciens esclaves après la Guerre de sécession qui s’est produite en 1860 aux Etats-Unis. Consécutivement à cette guerre, Marcus Garvey, en 1919, reprenant un projet que l’Universal Negro Improvement Association (Association Universelle pour l’Avancement de l’Homme Noir) a essayé de réaliser(10) un siècle plutôt, le retour d’anciens esclaves en Afrique, lequel projet a obtenu l’adhésion d’un grand nombre d’adhérents, suscitant alors un nationalisme vigoureux.

C’est dans l’ensemble des contextes ci-dessus indiqués que les fanfares et les harmonies africaines vont éclore sur le littoral de Côte d’Ivoire.

III. LA FANFARE(11) ET L’HARMONIE EN CÔTE D’IVOIRE

Il importe d’indiquer maintenant comment la fanfare et l’harmonie sont arrivées en Côte d’Ivoire.
Signalons que c’est en 1892 que les Français jetèrent les fondements de la nouvelle Côte d’Ivoire. Bassam en était la première capitale. Au nombre de ceux qui se considèrent ressortissants de cette ville se trouvent les Appolonien12. Une communauté scindée en deux dont l’autre partie restée au Ghana mais à la frontière de la Côte d’Ivoire et du Ghana s’appelle N’Zima.

1. La présence des premières fanfares coloniales en Côte d’Ivoire
Les premières fanfares coloniales étaient militaires. L’armée, la gendarmerie et la police, détentrices de la brutalité d’état avaient entre autres fonctions, celle par exemple, de pacifier la Côte d’Ivoire, c’est-à-dire intimider les administrés de sorte à prévenir des conflits.

2. La présence d’une fanfare de Noirs à Bassam
Au dire des Alladian qui vivaient à Bassam au début de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, ce sont avec les Appolonien qu’ils ont vu, pour la première fois, un ensemble d’instruments européens joués exclusivement par des Noirs.

3. La présence d’une fanfare de Noirs sur la Côte ouest de la Côte d’Ivoire
Les anciens esclaves revenus au Libéria et en Sierra Leone s’étaient familiarisés, dans leur ville d’origine avec les brass band ou les marching band qui accompagnaient des défunts au cimetière. Après l’inhumation, les musiciens retournaient sur les lieux des funérailles, dans une ambiance festive, où ils continuaient de rendre un hommage au défunt. Ils s’étaient également accoutumés aux parades avec chevaux et chevaliers qui tiraient des chars fleuris lors des carnavals organisés dans leur ville. Ce sont ces pratiques qu’ils diffuseront dans leur nouvelle patrie.

Depuis l’arrivée des Européens dans leur nouveau pays, ils ont appris à naviguer au point qu’ils sont devenus non seulement de redoutables hommes de mer13, mais également des musiciens qui vont déployer leurs talents partout où ils se rendent, notamment en Sierre Leone14 et en Côte d’Ivoire. C’est dans ce contexte que la fanfare prend son essor, notamment dans les cercles15 de Grand-Béréby, de Tabou, de Sassandra, de Fresco etc.

4. L’implantation de la fanfare sur la côtière de la Côte d’Ivoire
Les conditions qui ont favorisé l’implantation de la fanfare sur la côtière sont nombreuses. Au nombre desdites conditions, il y en a d’ordre :

4.1. culturel
Un proverbe dan ne dit-il pas que « le village où il n’y pas de musiciens [et de musique] n’est pas un endroit où l’homme puisse rester. »16 ? Aussi les colons conscients que l’une des fonctions de la musique des populations de la côtière est de véhiculer des valeurs culturelles notamment éducatives et d’assurer la transmission de connaissance en de nombreux domaines, particulièrement à travers les chants de conte, ont-ils décidé de combattre leurs musiques et leurs instruments de musique et de substituer à ces derniers, leurs musiques et instruments de musique.

4.2. social
Les traditions musicales constituant une source d’identité culturelle pour les différentes populations des côtières, les colonisateurs ont estimé qu’il fallait éradiquer lesdites traditions musicales et promouvoir la musique de fanfare en invitant celles-ci aux fêtes nationales françaises (14 juillet, 11 novembre etc..). Ces invitations allaient contrarier certains chefs de canton qui avaient été enjambés au profit de leurs subalternes qui possédaient des fanfares. C’est en voulant résoudre ce problème que certains chefs vont susciter des fanfares.

4.3. religieux
À ce niveau, des missionnaires chrétiens, particulièrement les prêtres catholiques avaient interdit certaines pratiques traditionnelles qu’ils estimaient incompatibles avec la foi chrétienne. C’était par exemple l’interrogation des cadavres, la pratique des instruments traditionnels. Tous chrétiens notamment les enfants de chœur, les sacristains, les catéchistes étaient chargés de dénoncer tous les contrevenants à ces interdits. La sanction ultime prévue pour ces cas, était la non-célébration de messe d’enterrement pour ceux qui s’étaient rendus coupable de tels forfaits en cas de décès. Cette sanction représentait quasiment une malédiction non seulement pour les défunts, mais également pour leurs familles. Cette sanction était déshonorante aux yeux de la communauté chrétienne qui considérait une inhumation sans messe comme un ensevelissement de chien.
Voici les conditions dans lesquelles la fanfare et l’harmonie vont prendre leur essor sur toute la côtière.

V. FONCTIONS DES FANFARES ET HARMONIES

La création de la fanfare et de l’harmonie sont des réponses à des besoins d’expression musicale, à des émotions, à des sentiments stimulés par la musique. Lesquelles fonctions peuvent relever de trois (3) ordres au moins : militaire, religieux et profane.

1. Militaire
La musique militaire européenne telle que pratiquée par la fanfare ou l’harmonie contemporaines est née de l’évolution et du croisement des anciens cors ou cornes de guerre, appelant les guerriers au combat. Aujourd’hui encore, il est difficile d’imaginer l’absence de la fanfare ou de l’harmonie sur le champ de bataille en guise de signal, d’appel au rassemblement à l’effet de galvaniser les troupes au combat ou pour célébrer la victoire sur l’ennemie.

2. Religieux
De façon générale la fanfare et l’harmonie accompagnent et soulignent musicalement les cérémonies et les processions religieuses. Elles aident les fidèles à mieux chanter les louanges du Dieu de leur religion et à le glorifier davantage. 

3. Profane
Elles exécutent des airs traditionnels pour des réjouissances populaires, pour des rencontres sportives de villages ou de quartiers, pour des campagnes publicitaires.

4. Politique et Gouvernance
Dans bien de pays, la fanfare ou l’harmonie servent à exécuter l’hymne national à l’occasion de la montée ou la descente des drapeaux, lors des cérémonies officielles, notamment les finales des rencontres sportives.

VI. SYMBOLIQUES DES FANFARES ET HARMONIES DES LAGUNAIRES

Nous convenons avec Geneviève Dournon que outre « ses ressources sonores, l’instrument est doté d’une autre dimension déterminée par un rôle fonctionnel et symbolique, par des valeurs éthiques, esthétiques, culturelles et spirituelles les plus profondes d’une civilisation »(17). Ainsi, notons-nous que, le peuple Alladian a transféré certaines de leurs coutumes sur la pratique des instruments européens. Par exemple :

  • tout membre d’une fanfare ne doit pas commettre ou chercher à commettre l’adultère avec la femme de son confrère ;
  • les célibataires ne doivent pas coucher avec la même femme ;
  • il est interdit aux membres d’une fanfare de se garder rancune. En effet, les conflits qui opposent deux musiciens doivent être définitivement réglés avant que les personnes concernées ne se remettent à pratiquer la musique dans un même ensemble ;
  • à la suite d’une altercation ou de palabre avec un confrère ou d’un dirigeant, tout musicien doit prendre le temps de se calmer avant de se remettre à jouer dans l’ensemble. Si cela devrait durer quelques heures et nécessite qu’il s’éloigne momentanément de l’ensemble, ledit musicien doit prendre le soin d’emporter son embouchure, s’il est un joueur d’instrument à vent ou alors de sa ou de ses baguette(s) s’il joue à l’une des caisses.

En tout état de cause, celui qui se rend coupable des interdits s’expose à des maladies graves susceptibles d’écourter sa vie sur terre.
Au regard de ce qui précède, la fanfare et l’harmonie sont perçues comme des symboles. Symboles de cohésion ; véhicules de transmission de la culture, précisément de valeurs ; symbole de bonne humeur.
Qu’il soit symbole, outil ou moyen, celui-ci ne vaut que par l’usage qu’on en fait ou par la mission qu’on lui assigne. Sous cet angle, quels buts l’ONG Cordon International veut atteindre, en implémentant le concours de fanfare ?

VI. BUTS DE L’ONG CORDON TROPICAL INTERNATIONAL EN IMPLÉMENTANT LE CONCOURS DE FANFARE

Conscient du fait que « les traditions musicales constituent pour de nombreuses populations, notamment pour [les Africains] la source d’une identité culturelle et un puissant moyen de rapprochement des différents groupes de peuples. »(18, Cordon Tropical International, en organisant le concours de fanfare veut, à sa manière :

  • participer, au rapprochement des Ivoiriens entre eux et les diverses populations vivant en Côte d’Ivoire pour autant que la pratique musicale, dans un ensemble, est un puissant moyen de mise en commun de synergies.
  • renforcer la cohésion sociale du fait que la fanfare est un véhicule de valeurs ;
  • semer la bonne humeur entre les populations vivant sur cette terre d’Éburnie ;
  • participer à la construction de la paix sociale entre les Ivoiriens, d’une part et entre les Ivoiriens et les autres peuples vivant en Côte d’Ivoire, d’autre part.

Que dire au moment où s’achève cet exposé ?

CONCLUSION

Au départ militaire et solennel, puis dans l’ambiance populaire, ce genre musical a conquis l’ensemble des peuples du littoral. Ensuite tout le pays du fait de son caractère rassembleur et festif.
Après les indépendances, les corps d’armées, des villages, des municipalités, et des communautés religieuses ont pérennisé la fanfare qui apparaît désormais comme l’un des genres musicaux les plus attractifs de la Côte d’Ivoire.
La promotion et la diffusion dont ont bénéficié les fanfares et les harmonies qui impactent la musique ivoirienne ne sont des faits de hasard. Elles résultent d’une série de facteurs au nombre desquelles se trouvent tout le symbole positif que représentent les fanfares et les harmonies aux yeux de la population ivoirienne, la disponibilité des instruments dans des boutiques, la qualité des répertoires.
Ces facteurs ont permis aux musiciens, surtout de l’époque post indépendance d’intégrer dans la pratique des musiques de fanfares et d’harmonies une nouvelle esthétique dont l’appel et réponse ; la quête de la mélodicité d’un instrument rythmique comme la grosse caisse ; de même que la quête de la rythmique par des instruments mélodiques ; l’improvisation par certains instruments qui s’érigent en soliste ; l’érection de toute marche en deux parties : la partie marche et la partie ‘’paté’’ etc.

NOTES

(1) Paul Dagri a présenté en 1984, à l’Université de Paris x-Nanterre, un mémoire de Maîtrise sur le thème « Fondements historiques et culturels de la fanfare en pays alladian ».

(2) Les élèves issus de ces écoles dont l’École de la Gendarmerie nationale, l’Ecole de Police, la Garde Républicaine ou les Forces Armées Nationales sont des transfuges de l’INA ou de l’INSAAC.

(3) « The French and English grew bolder and were joined by Dutchmen and Danes and Swede, and afterwards by Prussians. French and english adopted Portuguese tactics : they established permanent settlement and strong points on shore. They were helped on the Gold Coast by the exertions of a coastal people. This people saw that Dutch wares would be preferable to Portuguese if only portuguese monopoly could be systematicaly broken, and not merely evaded from time to time. They accordingly rose against the Portuguese and drove them from all their settlement on the Gold Coast except Axim, Elmina, which the Dutch had already, though unsuccessfully assaulted. »
Basil Davidson, Black Mother, A study of the precolonial connection between Africa and Europe, Longman, 1970, p. 67.

« […] un peu plus, l’histoire a retenu les noms du Lions Soldiers Band et du Edu Magicians’ Band d’Elmina. Durant la Première Guerre mondiale, où des dizaines de milliers de Ghanéens et de Nigérians furent mobilisés dans les troupes alliées, ces fanfares se sont multipliées, souvent sponsorisées par de riches marchands, et leur répertoire s’est enrichi de leurs lointaines équipées en Asie. Cette tradition est aujourd’hui très vivante dans les régions côtières du Nigéria, du Bénin, du Togo, du Ghana, de Côte d’Ivoire, du Libéria et de la Sierra Leone. Cependant les marins dont beaucoup venaient de la Caraïbes et du sud des États-Unis, avaient introduit dès le XIXe siècle des instruments plus modestes : fifres, banjos, guitares puis accordéons et bandénéons qui faisaient le bonheur des esclaves affranchis. Les chants de marins et les hymnes protestants s’étaient aussi très tôt répandus. »

(4) Gérald Arnaud et Henri Lecompte, ‘’Le Highlife’’ in Musiques de toutes les Afriques, Paris, Fayard, 2006, p. 194, 671 p.

(5) Basil Davidson, Black Mother, A study of the precolonial connection between Africa and Europe, Longman, 1970, p. 67-72 & 215-222. ; lire également Roland Oliver & J. D. Fage, A Short History of Africa, Penguin Books, 1975, p. 122-124.

(6) « After the war many locals trained in military brass playing joined the emerging dance bands, applying their instrumental skills and the fondness for the rumba they developed in the service ».
Peter Manuel, Popular musics of non-Western World, An introductory survey, Oxford, Oxford University Press, 1988, p. 101, 287 p.

(7) Le symbole était un collier auquel on attachait des boîtes de conserve vides ou d’autres objets dans le but de ridiculiser celui qui le portait.

(8) Un Blanc au masque noir, terme emprunté à Frantz Fanon.

(9) Lanciné, Sylla, Anthropologie de la paix : de la contribution de l’Afrique à la culture de paix, Abidjan, les Éditions du CERAP, 2007, p. 216, 450 p.

(10) Lê Thành Kôi, Culture, créativité et développement, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 37-38, 223 p.

(11) Paul Dagri, Rastafarisme, ses musiques et Bob Marley, Abidjan, Nouvelles Editions Balafons (NEB), 2016, p.26, 91 p.

(12) « Brass-bands go all the way back to military brass and and fife associated with the costal forts. Europeans, West Indian, African musiciens were employed at these forts. They played military marches, polkas, waltzes, and fusions on their own. » John Collins, West African Pop Roots, Temple University Press, Philadelphia, 1992, p. 17.

(13) Les Appolonien sont une communauté akan installée à Bassam depuis le … siècle. En dehors de Bassam, ladite communauté est fortement présente à Divo, Grand Lahou, et N’Djem (S/Préfecture de Jacqueville).

(14) "The first Africans to make the modern guitar their own were the Kru (or Kroo) fishermen who lived in the villages along the coast of Liberia. When Europeans came, the Kroo became famous as seamen on the old sailing and steamships. They also became famous for their guitar-playing, and their african styles like dagomba, fireman, and mainline accompanied them wherever they went".
John Collins, West African Pop Roots, Temple University Press, Philadelphia, 1992, p. 33.

(15) "Palm-wine music was introduced to Sierra Leone in the 1920s by Kroos living in Freetown’s Kroo-town quarter, where it was known as rigtime. Kroo, such as Foster and the seamen Eku, played their guitars in the red line district of Freetown, accompanied by the giant bass ‘’hand-piano,’’ called the congoma".
John Collins, Ibidem p. 17.

(16) Un cercle est l’équivalent de nos, jours, de Sous-Préfecture dans le découpage administratif colonial.

(17) Hugo Zemp, Musique dan : La musique dans la pensée et la vie sociale d’une société africaine, Mouton & Co and Ecole Pratique des Hautes Etudes, 1971, p. 7.

(18) Geneviève Dournon, Guide pour la collecte des musiques et instruments traditionnels, Paris, Editions UNESCO, 1996, p. 12, 151 p.

(18) Noriko Aikawa, Guide pour la collecte des musiques et instruments traditionnels de Geneviève Dournon, Paris, Editions UNESCO, 1996, p. 8 (préface).

BIBLIOGRAPHIE

  • Collins, John. West African Pop Roots, Temple University Press, Philadelphia, 1992.
  • Dagri, Paul. Rastafarisme, ses musiques et Bob Marley, Abidjan, Nouvelles Editions Balafons (NEB), 2016.
  • Davidson, Basil. Black Mother, A study of the precolonial connection between Africa and Europe, Longman, 1970.
  • Dournon, Geneviève. Guide pour la collecte des musiques et instruments traditionnels, Paris, Editions UNESCO, 1996.
  • Kôi, Lê Thành. Culture, créativité et développement, Paris, L’Harmattan, 1992.
  • Manuel, Peter. Popular musics of non-Western World, An introductory survey, Oxford, Oxford University Press, 1988.
  • Oliver, Roland & Fage, J. D. A Short History of Africa, Penguin Books, 1975.
  • Sylla, Lanciné. Anthropologie de la paix : de la contribution de l’Afrique à la culture de paix, Abidjan, les Éditions du CERAP, 2007.
  • Zemp, Hugo. Musique dan : La musique dans la pensée et la vie sociale d’une société africaine, Mouton & Co and Ecole Pratique des Hautes Etudes, 1971.

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2 mai 2016

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LILYAN KESTELOOT, UNE GRANDE PIONNIÈRE DES ÉTUDES AFRICAINES « AU CARREFOUR DES LITTÉRATURES AFRIQUE-EUROPE. HOMMAGE À LILYAN KESTELOOT » . S/S DIRECTION D’ABDOULAYE KEÏTA ÉD. IFAN KARTHALA, PARIS NOTE DE TIRTHANKAR CHANDA Lilyan Kesteloot (...)

13 septembre 2015

FONDATION FÉLIX HOUPHOUET BOIGNY POUR LA...

FONDATION FÉLIX HOUPHOUET BOIGNY POUR LA RECHERCHE DE LA PAIX : APPEL A CONTRIBUTION PROPOSITION DES CONTRIBUTIONS JUSQU’AU 31 JUILLET 2016. LA FONDATION FÉLIX HOUPHOUET BOIGNY POUR LA RECHERCHE DE LA PAIX EN PARTENARIAT AVEC L’INSTITUT (...)

1er juin 2015

APPEL À CONTRIBUTION POUR UN OUVRAGE COLLECTIF SUR MONGO BETI

APPEL À CONTRIBUTION POUR UN OUVRAGE COLLECTIF SUR MONGO BETI
DATE LIMITE DE RÉCEPTION DES CONTRIBUTIONS LE 20 AOÛT 2015
Poursuivant ses investigations sur l’œuvre de Mongo Beti, le groupe de recherche ‘‘Littérature et Société’’ de (...)

4 février 2015

L’EXPANSION BANTOUE : VIEILLES QUESTIONS, NOUVELLES DONNÉES

L’EXPANSION BANTOUE : VIEILLES QUESTIONS, NOUVELLES DONNÉES
LA GÉNÉTIQUE HUMAINE ET L’ÉTUDE DES PALÉO-ENVIRONNEMENTS OFFRENT DE NOUVELLES PISTES AUX CHERCHEURS POUR RÉCONSTITUER LES MIGRATIONS HUMAINES.
Les recherches sur la « question (...)

21 novembre 2014

Le Preux et le sage, note de lecture par Lylian Kesteloot

Le Preux et le sage, note de lecture par Lylian Kesteloot
« Le Preux et le Sage » transcription et traduction du philosophe Mamoussé Diagne.

Une épopée africaine est, d’abord et toujours, une épopée de nos origines. Le travail magistral du (...)

4 novembre 2013

L’art de bien agir, par Rolf Dobelli

L’art de bien agir, par Rolf Dobelli 52 voies sans issue qu’il vaut mieux laisser aux autres... Auteur(s) : Rolf Dobelli Editeur(s) : Eyrolles Nombre de pages : 250 pages Date de parution : 10/10/2013 EAN13 : 978221255662 Résumé (...)

31 août 2013

Article de notre Membre Clémentine M. Faïk-Nzuji

Réflexion sur l’élaboration et la transmission du savoir en sciences sociales africaines 
 

Clémentine M. Faik-Nzuji 
Université catholique of Louvain
• L’option de cette réflexion


Le thème de ce numéro spécial de Mots Pluriels (...)

30 août 2013

Articles de notre Membre historien Simao SOUINDOULA

— Articles de notre membre historien Simao SOUINDOULA (ci-dessous)
1) L’Argentine Mélano-Africaine, par Simão Souindoula
2) La reine Zinga, un modèle d’intelligence politique
3) Simao Souindoula relève le combat commun de Kibangu et Kimpa (...)