Édouard Glissant

Un beau risque à courir : lire Édouard Glissant

Lire Édouard Glissant, c’est se risquer dans une nouvelle contrée du monde, habitée des tableaux de Lam et de Matta, d’images, de sons, de liaisons, de mots, de cris ; une contrée têtue et complexe, creusée de souterrains invisibles dont l’on sent la présence, sous un ciel toujours changeant et toujours questionnant ; c’est entendre résonner Odono ! et voir planer l’oiseau Cohé ; tomber-se relever sans fin avec Dlan-Médellus-Silacier et aimer la terre, l’humus, la trace et les roches avec Mycéa ; c’est courir sans relâche le plus beau risque, celui du monde ouvert et relié, celui de la rencontre imprévisible, déconcertante et impérieuse dans son opacité, désirable et féconde dans son opacité.
Lire Édouard Glissant, c’est avoir l’oreille habitée des sons de Bernard Lubat, la peau troublée des mots de Chamoiseau, l’esprit séduit par Deleuze et par Guattari, c’est respirer à grandes goulées l’air de New York et de Paris, des pentes vertes du Diamant et des statues qui meurent aussi.
Lire Édouard Glissant, c’est comprendre qu’un lieu peut dire le monde, sentir que dans le détail tétu se niche l’infini du réel, poser comme une évidence que d’un gouffre peut sourdre la certitude de la solidarité et des compréhensions, vouloir que les murs tombent et décider qu’ils sont tombés.
Lire Édouard Glissant, c’est relire Faulkner, plonger dans Kateb Yacine, prendre le train avec Bouvier et Cendrars, faire du feu avec Artaud et arpenter, à petits pas de chenille, les flancs de la Pelée avec Aimé Césaire ; c’est lire comme un enfant, pour la première fois, et ouvrir les yeux sur l’autre côté du monde, c’est lire un tout jeune poète, toujours, et le trouver encore insu ; c’est lire par-dessus l’épaule d’un Batouto et y découvrir des mots qui n’existaient pourtant pas ; c’est se lever et occuper les rues, épaule contre épaule, en autant de marches qu’il y aura d’interdictions ; c’est choisir de parler et d’entendre même l’inconcevable, de dire et de redire l’inaliénable certitude que le temps est éperdu et la beauté intraitable, et pour cela, d’être aussi, à sa façon, un point de la Relation.

Hommage à Edouard Glissant
Par Anne Douaire-Banny *
Maître de Conférences à l’université Paris-Sorbonne.

Édouard Glissant ◄ Hommage Messe Enterrement Mercredi 9 Février 2011 Martinique

Oeuvres principales d’Édouard Glissant :
Essais  :


— Soleil de la conscience. (1956) (Poétique I) Nouvelle édition, Paris : Gallimard, 1997.

— Le Discours antillais. (1981) Paris : Gallimard, 1997.

— Poétique de la Relation. (Poétique III) Paris : Gallimard, 1990.

— Discours de Glendon. Suivi d’une bibliographie des écrits d’Edouard Glissant établie par Alain Baudot. Toronto : Ed. du GREF, 1990.

— Introduction à une poétique du divers. (1995) Paris : Gallimard, 1996.

— Faulkner, Mississippi. Paris : Stock, 1996 ; Paris : Gallimard (folio), 1998.

— Traité du Tout-Monde. (Poétique IV) Paris : Gallimard, 1997.

— La Cohée du Lamentin. (Poétique V) Paris : Gallimard, 2005.

— Une nouvelle région du monde. (Esthétique I) Paris : Gallimard, 2006.

— Mémoires des esclavages(avec un avant-propos de Dominique de Villepin). Paris : Gallimard, 2007.

— Quand les murs tombent. L’identité nationale hors-la-loi ? (avec Patrick Chamoiseau). Paris : Galaade, 2007.

— La terre magnétique : les errances de Rapa Nui, l’île de Pâques (avec Sylvie Séma). Paris : Seuil, 2007.

— L’intraitable beauté du monde. Adresse à Barack Obama (avec Patrick Chamoiseau). Paris : Galaade, 2009.

— Philosophie de la Relation. Poésie en étendue. Paris : Gallimard, 2009.

— La terre, le feu, l’eau et les vents, une anthologie de la poésie du Tout-Monde. Paris : Galaade, 2010.

— 10 mai : Mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions. Paris : Galaade / Institut du Tout-monde, 2010.
Poésie :


— La Terre inquiète. Lithographies de Wilfredo Lam. Paris : Éditions du Dragon, 1955.

— Le Sel Noir. Paris : Seuil, 1960.

— Les Indes, Un Champ d’îles, La Terre inquiète. Paris : Seuil, 1965.

— L’Intention poétique. (1969) (Poétique II) Nouvelle édition, Paris : Gallimard, 1997.

— Boises ; histoire naturelle d’une aridité. Fort-de-France : Acoma, 1979.
— Le Sel noir ; Le Sang rivé ; Boises. Paris : Gallimard, 1983.

— Pays rêvé, pays réel. Paris : Seuil, 1985.

— Fastes. Toronto : Ed. du GREF, 1991.

— Poèmes complets. (Le Sang rivé ; Un Champ d’îles ; La Terre inquiète ; Les Indes ; Le Sel noir ; Boises ; Pays rêvé, pays réel ; Fastes ; Les Grands chaos). Paris : Gallimard, 1994.

— Le Monde incréé : Conte de ce que fut la Tragédie d’Askia ; Parabole d’un Moulin de Martinique ; La Folie Célat. Paris : Gallimard, 2000.
Romans :


— La Lézarde. (1958) Nouvelle édition, Paris : Gallimard, 1997 ; Port-au-Prince : Presses Nationales d’Haïti, 2007.

— Le Quatrième Siècle. (1964) Paris : Gallimard, 1997.

— Malemort. (1975). Nouvelle édition, Paris : Gallimard, 1997.

— La Case du commandeur. (1981) Nouvelle édition, Paris : Gallimard, 1997.

— Mahagony. (1987) Nouvelle édition, Paris : Gallimard, 1997.

— Tout-Monde. Paris : Gallimard, 1995.

—  Sartorius : le roman des Batoutos. Paris : Gallimard, 1999.

— Ormerod. Paris : Gallimard, 2003.

Théâtre :

— Monsieur Toussaint. (1961) Nouvelle édition : Paris : Gallimard, 1998.

Voir en ligne : Site officiel : Édouard Glissant

Soutenir par un don